J'ai adoré : Le Pays de Nod à La Villette

Nous entrons dans la salle de spectacle. D’un coup, nous nous retrouvons plongés au coeur d’une institution culturelle, dans la salle Rubens du musée d’Anvers. De spectateurs, nous passons au statut de visiteurs de musée. Pourtant, la salle est vide, à l’exception d’un immense tableau toujours accroché sur un mur : Le coup de Lance. Elle est la seule oeuvre du grand peintre Flamand que les employés du musée ne parviennent pas à faire sortir de la salle en travaux, car ses dimensions ne permettent pas son passage par la porte trop étroite de la salle. Comme une métaphore filée de l’absurdité, le conservateur du musée s’efforce, tout au long de la scène, de trouver des solutions, plus folles les unes que les autres, pour évacuer le tableau de la salle en travaux. La pièce, sans aucune parole, est comme le manifeste burlesque de l’état actuel des musées, voire de leur disparition.




Le Pays de Nod est le fruit de l’imagination de FC Bergman. Ce collectif Flamand a un goût certain pour les créations au sein d’espaces monumentaux, de préférence in situ. La pièce est une interrogation sur l’institution culturelle en temps qu’espace. Le musée est-il le lieu de l’intemporel, coupé du monde, sa réalité et son actualité ? Le titre du spectacle lui-même, le Pays de Nod, est une référence directe à la bible. Il s’agit du lieu où Caïn erre, sans but, après avoir été exilé pour avoir tué Abel, son frère.  



La pièce met en perspective une certaine philosophie des lieux, à travers une scénographie extrêmement imaginative, mouvante et étonnante. La salle muséale, une fois presque vidée de ses oeuvres, fait l’objet de tentations et de dérives de la part des visiteurs comme des employés de l’institution. Une femme urine devant le majestueux tableau, tandis qu’un homme nu, faux Christ déchu, y erre, désespéré. La salle de musée est un lieu de réflexion, permettant de se cacher de la dure réalité extérieure. Mais d’un coup, une explosion. Le lieu s’ouvre à un univers nouveau : la réalité. Un homme se fabrique un abri au sein de la salle, fait un feu dans un instinct de survie. Le lieu n’est plus si sûr, l’instabilité et la misère prennent le dessus. D’une manière extrêmement poétique et sensible, le collectif fusionne l’actualité à l’intemporel, pour un spectacle explosif. 

(Article préalablement publié sur le site de la Sorbonne)

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